Thursday, August 31, 2006

 

chapitre 14

Où donc loger ces familles alors que les CHRS (Centre d'Hébergement et de Réinsertion Sociale) et les centres maternels explosent et que les places en centre d'accueil pour demandeurs d'asile sont insuffisantes? La réponse fut vite trouvée : dans les hôtels commerçiaux. Les gérants répondent présents, ravis d'échanger leurs touristes et VRP volatils contre deux barils de clandestins ordinaires. Pour les hôteliers, en effet, le business est juteux : l'établissement le plus miteux se remplit en un clin d'oeil de toute la misère du monde, et le Samu social paie rubis sur l'ongle ces marchands de sommeil. Après d'apres négociations, la nuit est désormais facturée en moyenne 16 euros par jour et par personne, sachant que dans l'attente de leur régularisation, les sans-papiers restent parfois plusieurs années à la même adresse.
Si certains hôtels s'avèrent fort corrects, 15% sont indignes. Premier souci : la cuisine, interdites dans les chambres. Quand le passe-droit est accordé, l'état de la moquette s'en ressent, l'humidité s'accumule et les cafards s'amusent. Et quand il ne l'est pas, les déshéritées sont censées se payer le restaurant matin et soir. Ou faire des kilomètres pour aller dans tel ou tel foyer cuisiner, puis revenir à l'hôtel, leru marmite sous le bras. Devant la recrudescence des cas de malnutrition, notamment chez les enfants, certains travailleurs sociaux négocient désormais fermement la possibilité d'installer une cuisine collective dans ces hôtels. La popote, donc, est parfois en option. La liste des interdictions ne s'arrête pas là : interdiction de recevoir des visites, de laisser les enfants jouer dans les couloirs...
"La clientèle des sans papiers n'est pas facile, tempère un responsable associatif. Si les hôteliers ne sont pas stricts, cela devient vite l'auberge espagnole. Parfois les hébergés mettent la musique à fond, ils laissent les enfants traîner à poil dans les couloirs. Certains ne sont pas habiutés à manger sur une table, donc ils dînent par terre sur la moquette. Pour les gérants, ce n'est pas si facile, surtout pour ceux, rares, qui continuent à recevoir des touristes. Même si nous avons parfois affaire à des hôteliers abusivement autoritaires, irrespectueux ou malhonnêtes, ce n'est pas le cas de tous.
Des patrons abusifs, il y en a aussi. Celui qui fait des avances à la mère isolée en lui promettant "une meilleure chambre" Celui qui rackette les clients, un euro pour avoir le droit de réchauffer leur nourriture. Celui qui coupe l'eau chaude parce que l'eau froide, c'est moins cher et ça lave aussi. Celui qui repeint ses chambres à neuf, mas supprime les armoires, la table et les chaises. Celui qui, sur ordre du Samu Social, accepte d'acheter des frigos pour ses résidents, mais un seul par étage, et en taille miniature. Parfois, il y a une chambre, mais pas de lit. Parfois, il n'y a pas de chambre de libre, et les hébergés dorment dans le couloir.Parfois, ils ont la possibilité de dormir la nuit dans une chambre, mais sans pouvoir y rester le jour, l'hôtel accueillant alors les prostituées et leurs clients. Ajoutons à cela les "problèmes d'hygiène" outre les cafards, des souris sont à signaler. Dans les pires établissements, les fils électriques à nu tombent du plafond, les murs suintent d'humidité et la peinture, au plomb évidemment, s'écaille un peu partout.
Mais les services sociaux ne peuvent se passer de ces Thénardire de bas étage.

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