Thursday, August 31, 2006

 

chapitre 15

Si 36% des SDF sont des femmes, seules 7% d'entre elles ne bénéficient d'aucune forme de logement ou d'hébergement en centre d'accueil, et passent donc la nuit dehors; seules 3% ont vécu sur le trottoir plus d'un an.

FIN

 

chapitre 14

Où donc loger ces familles alors que les CHRS (Centre d'Hébergement et de Réinsertion Sociale) et les centres maternels explosent et que les places en centre d'accueil pour demandeurs d'asile sont insuffisantes? La réponse fut vite trouvée : dans les hôtels commerçiaux. Les gérants répondent présents, ravis d'échanger leurs touristes et VRP volatils contre deux barils de clandestins ordinaires. Pour les hôteliers, en effet, le business est juteux : l'établissement le plus miteux se remplit en un clin d'oeil de toute la misère du monde, et le Samu social paie rubis sur l'ongle ces marchands de sommeil. Après d'apres négociations, la nuit est désormais facturée en moyenne 16 euros par jour et par personne, sachant que dans l'attente de leur régularisation, les sans-papiers restent parfois plusieurs années à la même adresse.
Si certains hôtels s'avèrent fort corrects, 15% sont indignes. Premier souci : la cuisine, interdites dans les chambres. Quand le passe-droit est accordé, l'état de la moquette s'en ressent, l'humidité s'accumule et les cafards s'amusent. Et quand il ne l'est pas, les déshéritées sont censées se payer le restaurant matin et soir. Ou faire des kilomètres pour aller dans tel ou tel foyer cuisiner, puis revenir à l'hôtel, leru marmite sous le bras. Devant la recrudescence des cas de malnutrition, notamment chez les enfants, certains travailleurs sociaux négocient désormais fermement la possibilité d'installer une cuisine collective dans ces hôtels. La popote, donc, est parfois en option. La liste des interdictions ne s'arrête pas là : interdiction de recevoir des visites, de laisser les enfants jouer dans les couloirs...
"La clientèle des sans papiers n'est pas facile, tempère un responsable associatif. Si les hôteliers ne sont pas stricts, cela devient vite l'auberge espagnole. Parfois les hébergés mettent la musique à fond, ils laissent les enfants traîner à poil dans les couloirs. Certains ne sont pas habiutés à manger sur une table, donc ils dînent par terre sur la moquette. Pour les gérants, ce n'est pas si facile, surtout pour ceux, rares, qui continuent à recevoir des touristes. Même si nous avons parfois affaire à des hôteliers abusivement autoritaires, irrespectueux ou malhonnêtes, ce n'est pas le cas de tous.
Des patrons abusifs, il y en a aussi. Celui qui fait des avances à la mère isolée en lui promettant "une meilleure chambre" Celui qui rackette les clients, un euro pour avoir le droit de réchauffer leur nourriture. Celui qui coupe l'eau chaude parce que l'eau froide, c'est moins cher et ça lave aussi. Celui qui repeint ses chambres à neuf, mas supprime les armoires, la table et les chaises. Celui qui, sur ordre du Samu Social, accepte d'acheter des frigos pour ses résidents, mais un seul par étage, et en taille miniature. Parfois, il y a une chambre, mais pas de lit. Parfois, il n'y a pas de chambre de libre, et les hébergés dorment dans le couloir.Parfois, ils ont la possibilité de dormir la nuit dans une chambre, mais sans pouvoir y rester le jour, l'hôtel accueillant alors les prostituées et leurs clients. Ajoutons à cela les "problèmes d'hygiène" outre les cafards, des souris sont à signaler. Dans les pires établissements, les fils électriques à nu tombent du plafond, les murs suintent d'humidité et la peinture, au plomb évidemment, s'écaille un peu partout.
Mais les services sociaux ne peuvent se passer de ces Thénardire de bas étage.

 

chapitre 13

Mieux vaut en effet, garder son époux pour conserver son logement. Dans tous les cas, rompre la relation conjugale ne va pas de soi quand on est une étrangère. Le divorce est plus que jamais un luxe pour toutes les femmes qui risquent d'y laisser leur permis de séjour. Explications. Cas de figure numéro un : le regroupement familial, qui ouvre des droits au conjoint "rejoignant" Admettons que ledit rejoignant siot une rejoignante. A son arrivée en France, l'épouse de l'étranger, étrangère elle aussi, se voit gratifiée d'une carte de séjour temporaire d'un an. Elle ne pourra demander sa carte de résidente qu'au bout de deux ans de présence en France, et la délivrance sera subordonnée à son "intégration républicaine" expression vague s'il en est Pis : la carte temporaire pourra être supprimée si l'épouse met un termeà "la communauté de vie" avant deux ans... Mieux vaut donc se marier avec un homme parfait. En cas de maltraitance de la part du conjoint, la loi est cependant plus souple : un amendement issu de la Commission des lois du Sénat prévoit qu'en cas de violences conjugales, la femme à le droit de prendre ses jambes à son cou avant ce délai de 2 ans, sa carte de séjour ne sera pas automatiquement supprimé. Sauf si la préfecture en décide autrement.
Deuxième cas de figure : l'étrangère réussit à convoler en juste noces avec un amoureux français "Réussir" , car en ces temps de restriction des flux migratoires, le soupçon de fraude pèse régulièrement sur les mariages mixtes. L'épouse n'obtiendra une carte de résident qu'après deux années de mariage. Si elle rompt la communauté de vie avant, elle peut dire adieu à ses papiers "La suspiçion de mariage de complaisance est désormais omniprésente. L'allongement des délais va avoir pour conséquence de fragiliser et de précariser la situation des époux qui ne fraudent pas; ils devront attendre jusqu'à trois ans avant d'obtenir la nationalité française."

 

chapitre 12

Une femme sur dix est victime de violences en France. Le risque est dix fois plus élevé pour celles qui ont été frappées pendant leur enfance. Combien d'épouses meurent sous les coups de leur mari en France? Combien de femmes battues paient leur tranquillité au prix du dénuement? Combien rompent, se retrouvant du même coup sans ressources? Réponse : beaucoup. Dans les squats, dans les centres d'hébergement d'urgence, sur le trottoir, dans les épiceries sociales, aux Restos du Coeur, on rencontre peu, mais vraiment très peu, d'hommes battus. Les femmes frappées, harcelées, humiliées par leur conjoint, en revanche, sont légion. On le devine souvent; elles le confessent parfois. Ce phénomène s'explique certainement par l'impact des campagnes de communication, par la pérennité du numéro vert mis en place pour les aider, voire, plus récemment, par l'affaire Marie Trintignant, qui ont incité les victimes à partir, à parler.

 

chapitre 11

Les mères célibataires sont les nouvelles sous- prolétaires de France. Partout, dans les associations caritatives, dans les centres d'hébergements pour démunis, l'on trouve de ces jeunes femmes, qui tiennent leur progéniture par la main, et les impayés de loyer dans l'autre.

 

Chapitre 10

On était habitué à voir des SDF âgées, un peu fofolles, vraiment marginales, mais cela fait un drôle d'effet de voir débarquer de vraies seniors dans les centres hébergement d'urgence.

 

Chapitre 9

Un deuil? Un divorce? Et la mère en solo se retrouve avec son demi-Smic, deux enfants à charge et un taux d'employabilité à la hauteur de son moral. Beaucoup de femmes pauvres sont des travailleuses précarisées. A ce handicap professionnel, à cette violence économique viennent souvent s'en greffer d'autres, conjugales ou sexuelles. De fait, les centres d'hébergement ressemblent aux panels marketing : de la veuve qui se débat avec le minimum vieillesse à la très jeune fille, chassée du domicile parental, en passant par la quadra battue, décidée à en finir avec les coups, toutes les générations s'y colérent, et tous les maux s'y incarnent. Il suffit d'y passer une soirée pour se rendre compte de l'extension du domaine de la précarité, révélée dans ce malheureux mettingpot où tout un chacun, du moins les plus fragiles, peut se retrouver. Pour n'y jamais mettre le pied, et surnager au-dessus du seuil de pauvreté, cinq commandements à suivre :
- Pour tes vieux jours, tu économiseras
- De ton mari jamais tu ne te sépareras
- Les violences conjugales, sans broncher tu accepteras
- Tu familles tu chériras
- Au mariage forcé tu te soumettras.

 

chapitre 8

La restauration se caractérise par "une incertitude face aux horaires, des pratiques de présence non rémunérées, des coupures obligatoires dans la journée et une disponibilité extrême. Une salariée inque qu'elle doit proposer 90 heures de disponibilité pour 20 heures de travail effectif" Sarah affirme clairement : - C'est de l'exclavage moderne. On n'est rien, mais on nous presse le citron. Toujours plus vite, toujours mieux, sans aucune contrepartie. D'ailleurs, elle a rayé le verbe "travailler" e son vocabulaire, préférant "jober" puisque le "job" est son lot quotidien. Rien d'anormal : en plus d'être une femme, elle est jeune, et fille d'immigrés, ce qui fait d'elle l'archétype du travailleur non qualifié.
Mais qu'appelle-t-on qualification? Qu'appelle t-on compétences professionnelles? Plus de la moitié des employés dits "non qualifiés" possèdent un diplôme.

 

Chapitre 7

99% des victimes de violences conjugales sont des femmes, contraintes à quitter le domicile conjugal. Les épouses battues, les mineures, les mamies et les handicapées peuplent donc les centres d'hébergement d'urgence. La précarité ne frappe pas au hasard et les discriminations de toutes natures, institutionnelles, physiques, professionnelles, font sont lit, dans un climat de douce tolérance. A croire que les femmes le valent bien...

 

Chapitre 6

La pauvreté passe pour être un thème de gauche et le handicap, un sujet de droite. Les femmes précaires devraient mettre tout le monde d'accord, puisqu'elles s'avèrent, en matière de précarité, handicapées par leur sexe. Certes, la conjoncture n'est rose pour personne; les disparités en matière de revenus, d'emploi, de logement ne cessent de creusées.

 

chapitre 5

Sous le seuil de pauvreté se côtoient des bien-logées, des mal-logées, des quatteuses, des chômeuses, des travailleuses, des Françaises, des étrangères, des Bac+2, des bacs-5, des ados en fleur et des mamies.

 

Chapitre 4

Pour expliquer le parcours de ces précaires, on préfére disséquer leur CV, traquer l'événement perturbateur, le deuil, le licenciement, le divorce, qui les aura fait basculer dans la zone. On impute leur galère aux délocalisations ou au chomâge. On fait de leur pauvreté une affaire personnelle ou un problème conjoncturel, alors qu'elle est, aussi, une question de genre

 

chapitre 3

Chez EMMAUS les femmes représentent aujourd'hui plus de la moitié des salariés embauchés dans le cadre de l'insertion par l'activité économique. Le SDF, le RMiste, le chiffonnier : voilà que ces trois là, incarnations de la pauvreté hexagonale, ont changé de sexe... dans une terrifiante discrétion.

 

chapitre 2

D'après Eurostat, c'est plutôt 16% des françaises, soit 5 millions qui stagnent sous le seuil de pauvreté (statistique décembre 2000)

Plus largement, entre 6 et 8 millions de femmes sont, ont été ou seront, un jour, touchées par la précarité, (Source 2000 La Documentation française) et rien n'enraye cette feminisation de l'armée des pauvres. Dans les rangs des RMistes, on trouvait 333 500 femmes en 1993 (INSEE 2004)

 

Femmes en galère chapitre 1 de véronique Mougin

En 2001, les femmes sans domicile étaient encore 22 000 à errer dans nos villes, accompagnées de 16 000 enfants, très souvent en bas âge.

En 1998, 3500 femmes appelèrent le 115. Elles furent 5348 en 2001, puis 6235 en 2002. En quatre ans, Samu social, le nombre de femmes en solo a augmenter de 38,5%, celui des femmes en couple, de 10% et celui de mères de famille a été quasiment multiplié par quatre en cinq ans.

Rien qu'en Seine-Saint-Denis, le deuxième sexe représente 70% des personnes en "rupture d'hébergement" venues implorer les services sociaux de leur trouver un toit. En majorité elles vivent seules, sont enceintes ou ont déjà des enfants. Parfois, il y a un mari-conjoint-compagnon, qui les a envoyées quémander un logement auprès des services sociaux. La moitié d'entre elles ont à peine trente ans.

Wednesday, August 30, 2006

 

chapitre 17

Au bout de trois ans, en moyenne, il devient très dur de sortir de la rue. Certains peuvent considérer l'attibution du RMI comme une ressource suffisante. - Qu'est-ce qu'on te propose quand tu veux t'en tirer? Un petit boulot à 400€ et des mois d'attente pour avoir une place en foyer, s'insurge Russel. A ce tarif-là, il faut vraiment en vouloir... Pas simple d'affronter un employeur potentiel quand les stigmates corporels sont flagrants : cicatrices, brûlures, dents manquantes... Suprême difficulté : pour réintégrer la société, il faut quitter sa famille de la rue, abandonner ses chiens. -On voit des gens trouver un job, un petit studio. Il se retrouvent seuls chez eux le soir, totalement paumés, raconte Pierre Coupiat. Certains craquent et retournent auprès de leurs copains de galère. Parfois, c'est l'amour qui triomphe. Les jeunes femmes a fortiori quand elles tombent enceintes ne supportent plus le manque d'hygiène, l'absence d'intimité avec leur compagnon. L'ultimatum est clair : - C'est la rue ou moi.


FIN

 

chapitre 16

Chassés des agglomérations, beaucoup de jeunes SDF se réfugient dans les campagnes. L'idée? Trouver une ferme abandonnée, squatter et tenter de créer un lieu de vie communautaire. Angie et Nat, la trentaine, font partie de ces "néoruraux" précaires. Etablis avec enfants et chiens sur une ancienne exploitation de 7 hectares, à une dizaine de kilomètres de Bergerac, ils revendiquent un mode de vie alternatif. Une utopie minimaliste, fondée sur le retour à la nature et le troc. - Le but, c'est de cultiver des légumes, des fruits, d'avoir des bêtes et d'être en autonomie alimentaire, avance Angie. La ferme est aussi un lieu de passage et de repos pour leurs copains Eric, Russel et Christophe, qui savent que le squat qu'ils occupent à Bergerac va être évacué sous peu par la police.

 

chapitre 15

L'été, avec l'arrivée des touristes, le SDF est sommé de déguerpir. Dès 1995, des villes comme Avignon, Nice, Sète ou La Rochelle ont promulgué des arrêtés interdisant la mendicité. Sur la place rochelaise du Pilori, où Jojo, Julie, Cédric et les autres stationnent avec leur barda et leur meute, deux policiers à vélo, teint hâlé et casque bleu rutilant, s'arrêtent : -Messieurs-dames, à partir d'aujourdh'ui, fin des regroupements avec plus de deux chiens. Veuillez vous disperser, s'il vous plaît. La troupe maugrée, obtempère, s'ébranle. Et se reforme 200 mètres plus loin, derrière une église. Une heure plus tard, rebelote. Cette fois, les policiers sont six. Dernier avertissement. La prochaine fois, nous serons obligés d'embarquer les chiens. Dans ce jeu de gagne-terrain, ce sont toujours les flics qui gagnent à la fin. Les chiens des plus récalcitrants sont placés huit jours en fourrière, où ils font l'objet d'examens vétérinaires. Le propriétaire peut ensuite récupérer son animal, moyennant 60€. - Ils savent comment nous faire mal, grommellle Cédric. Mais ça ne sert à rien. Inimaginable pour un jeune zonard de partir sans son chiens : il reste en ville huit jours de plus.

 

chapitre 14

Ce mode de vie est impitoyable pour le corps et l'esprit. La drogue fait, a minima, tomber précocement les dents. Le manque d'hygiène, de protection et la promiscuité favorisent les problèmes dermatologiques, respiratoires, et la transmission des maladies sexuelles. - La vie dans la rue a aussi des effets déstructurants sur l'état psychique, souligne Olivier Douville. Les jeunes SDF sont souvent de grands ados, avec des angoisses de nourrissons, alors qu'ils montrent une carapace de durs à cuire nihilistes.

 

chapitre 13

Certains groupes de jeunes marginaux ne sont même plus révoltés contre la société, ils vivent à côté d'elle. Certes, les plus de 25 ans ne crachent pas sur le RMI. Mais leur credo, c'est le No future hérité des années punk. Leur maître mot : "la solidarité" qui règne au sein du groupe. En principe, on partage tout : la bouffe, les cigarettes, les stupéfiants, l'alcool. - En réalité, il s'agit d'une solidarité forcée, insdispensable. C'est la gestion de la galère collective, explique Pierre Coupiat, éducateur de rue chevronné. Le fait de consommer ensemble les mêmes produits, notamment les toxiques, soude le groupe autour de valeurs communes. Pour tuer le temps, gommer la réalité et se "donner du courage", on fume clope sur clope. On boit tout ce qui passe : canetttes de bière de 50 centilitres à 8,6° bouteilles de blanc, rhum, coktails improbables. Encore une bière, pour oublier une vie amère, martèle une chanson des Sales Majestés, un groupe punk-rock référence quand une bande stagne une journée entière à proximité. On rit beaucoup aussi. -Vivement le jour où on remplacera les euros par les capsules , lances Jérôme, en désignant un amas de bouteilles vides.

 

chapitre 12

Chaque jour, il faut se débrouiller pour satisfaire deux exigences vitales : manger et dormir. Ceux qui parviennent à garder le contact avec la réalité sociale s'adressent aux associations caritatives et aux services spécialisés. Un circuit harassant, jalonné d'étapes rassurantes. A la Rochelle, on peut prendre un petit déjeuner au Secours catholique, puis manger midi et soir à l'Escale, un restaurant social attenant à un foyer d'hébergement. Le repas coûte 3,10€ : une somme. A partir de 14 heures, une vingtaine de jeunes convergent vers une petite maison aux volets bleus, près de la gare. Au point jeunes, lieu d'accueil, de prévention et d'aide à la réinsertion, on peut venir sans rendez-vous. Pour prendre une douche, un café, passer un coup de fil, dénicher une place dans un foyer ou discuter avec l'équipe d'éducateurs qui se démènent pour démêler des situations souvent inextricables. En 1998, la moyenne d'âge des visiteurs était de 24 ans, elle est aujourd'hui de 21 ans. -Beaucoup viennent avec une demande d'urgence : un ticket repas pour le restaurant social, consulter l'infirmière, ou le vétérinaire pour leurs animaux, explique France Médard, éducatrice spécialisée. Mais, au fil du temps, certains nous disent qu'ils en ont marre de cette vie et veulent entamer une formation pour se réinsérer. Le Point jeunes offre aussi à ses visiteurs la possibilité d'avoir une domiciliation postale. Au courier : surtout des papiers administratifs et des piles d'amendes SNCF. Les trains, le meilleur moyen de rallier les destinations ensoleillées et les grands festivals d'été, sont sous surveillance. Au bout de 10 amendes, le récidiviste est passible d'emprisonnement.

Le soir, l'équipe du Point jeunes change de casquette et assure la tournée du camion du Samu social. A bord, boissons chaudes, couvertures, trousse à pharmacie et une bonne dose d'enthousiasme. -C'est l'occasion d'aller, à la rencontre des personnes sur leur lieu de refuge, de les rassurer pour la nuit, raconte Hugues Ménard, 31 ans. Cela nous permet aussi de localiser et d'approcher ceux qui ne demandent rien.

 

chapitre 11

La bande, c'est un clan, on fait peur aux gens, reconnaît Julie, 24 ans, qui s'est retrouvée à la rue à l'âge de 15 ans. Mais c'est le seul endroit où on me donne du courage, où on me donne le droit à la parole. Je n'ai jamais reçu d'amour ailleurs qu'ici. C'est au sein de ce groupe d'une dizaine de personnes qui se forme, se disloque et se retrouve au fil des années et des errances de ville en ville que Julie a rencontré Vince, son petit frère de rue, et Cédric, son compagnon. La bande est une famille reconstituée, une microsociété avec ses propres lois, ses dominants et ses protégés. On y pratique même le culte des anciens : à chaque canette de bière ouverte, on verse la première goutte par terre, en mémoire des SDF morts dans la rue. En revanche, les jeunes détestent les vieux clochards : pour eux, ils incarnent l'image repoussoir d'un avenir effrayant.

 

chapitre 10

Passé le premier été - leur "lune de miel", disent les pécailistes - les jeunes prennent la réalité du monde de la rue en pleine figure : - Le nouveau venu apprend les premiers usages à ses dépens. On le dépouille, on lui vole ses chaussures, explique Jacques Guillou. mais se faire tabasser, c'est aussi un moyen d'entrer en contact avec un groupe. Car il est très difficile de survivre suel dans l'univers hostile de la zone. Un jeune isolé est à la merci de tous les dangers : racket, violence, voire embrigadement par des grands délinquants. Le premier jour où il s'est résolu à faire la manche à Paris, William, la trentaine, s'est fait aborder: -Tu veux un boulot? Viens avec moi! William s'est retrouvé dans un camp de gens du voyage. Son "travail" ? Déguisé en faux agent EDF, il devait détourner l'attention de personnes âgées pendant que ses "comparses" raflaient argent, bijoux, chéquiers. A la fin de la journée, ils m'ont proposé 600 €. J'étais écoeuré, je suis parti, ils m'ont dit qu'ils me retrouveraient...

 

chapitre 9

Le phénomène a explosé au tournant des années 1990. Autour des grands festivals culturels, à Bourges, Aurillac ou La Rochelle, nous avons vu débarquer des centaines de jeunes venus profiter de l'ambiance de la fête, explique François Chobeaux, sociologue et responsable du réseau national Jeune en errance. ils cherchaient avant tout à s'affranchir de toute forme d'autorité. Avec le succès de la musique techno et l'apparition des free parties - rassemblements gratuits et non autorisés s'étalant sur plusieurs jours - ces jeunes gens vont découvrir un monde parallèle : celui des travellers, ces DJ vivant de façon itinérante, festive et déjantée dans leurs camions bariolés. Ils en adoptent le look tribal : vêtements kaki, treillis à capuche, grosses chaussures, piercings et meutes de chiens. -Pour de nombreux jeunes, il était plus valorisant de s'identifier aux "techoïdes", ces Robin des bois qui jouent à cache-cache avec les autorités, que de se voir en SDF, commente Lionel Pourtau, sociologue au Centre d'études sur l'actuel et le quotidien (Ceaq) de l'université Sorbonne-Paris V. Ils peuvent ainsi reventdiquer une soif de liberté, un droit à l'expérimentation, par exemple celle des drogues. Alors, ils ne sont plus inférieurs, mais différents.

 

chapitre 8

Eric, 24 ans, ne supportait plus l'atmostphère familiale. Fils d'une bonne famille de Bergerac, il a commencé à fréquenter les squats de la ville avec d'autres mineurs. Cette errance de proximité, ponctuée de retours conflictuels au bercail, s'est peu à peu muée en mode de vie permanent. -J'ai pas mal bougé. Un hiver en montagne dans l'Ariège, sans eau ni éléctricité. Ensuite, quelques squats, explique ce jeune homme au regard gris-vert et au look destroy. Là, je suis revenu, mais je me vois bien aller faire un tour dans le Massif central.

 

Chapitre 7

Un tiers des jeunes zonards sont des enfants de la DDASS. Selon une enquête réalisée en 2000 par l'institut national des études démogrphiques (Ined), 52% n'ont aucun diplôme, 17% ont perdu au moins un de leurs parents, 9% ne savent même pas si ces derniers sont encore en vie. Parmi ces jeunes en déroute, on trouve aussi beaucoup d'adolescents fugueurs, qui contestent l'autorité parentale et décident un jour de ne plus jamais revenir. - Souvent, l'érrance commence au sein même de la famille, résume Robert Bianco-Levrin, responsable de la mission squat, lancée en juin 2004 par Médecin du monde en Ile-de-France.

 

chapitre 6

Compagnon d'infortune, source d'affection, signal d'alarme en cas de danger, le chien est l'objet de toutes les attentions. Généralement tatoué et vacciné, il est souvent en meilleure forme que ses maîtres. L'animal sert aussi à entrer en contact avec les passants lorsque l'on fait la manche. - Si tu as un clébard maigre ou qui a l'air malade, les gens ne te donnent rien parce qu'ils pensent que tu es un salaud, constate Antoine, la trentaine, qui vit dans la rue depuis douze ans. Certains s'intéressent plus à eux qu'à nous. Un avis que tempère Olivier Douville, psychanalystee et anthropologue, membre du réseau Souffrance psychique et précarité : - Par peur d'humilier un jeune qui mendie, beaucoup de gens font semblant de donner pour le chien. L'animal de compagnie assure aussi une fonction symbolique. - Posséder une bête impressionnante est une façon archaïque de montrer sa force, poursuit Olivier Douville. Mais aussi son humanité : les jeunes SDF démontrent qu'ils sont capables de prendre soin d'un être vivant. Le chien devient un prolongement de leur propre corps, la preuve qu'ils tiennent le coup. Le vol, la perte ou la confiscation de l'animal par la police canine sont vécus comme un drame. Un de plus.

Tuesday, August 29, 2006

 

chapitre 5

Dans la rue, le meilleur ami du jeune zonard, c'est le chien : eux, ils ne nous trahiront jamais. La nuit, ils nous protègent, ils nous tiennent chaud, explique Philippe, 26 ans, vêtu d'une gabardine hors d'âge et coiffé d'une casquette siglée : Martinique. Comme sa compagne, Séverine, 24 ans, pantalon lâche et sandales en plastique, il traîne un hallucinant parcours de galères derrière lui : DDASS, structures d'accueil, et la rue. Le tour de France de la grande misère. Ils se sont rencontrés à Toulouse, il y a cinq ans. Puis Philippe a trouvé un boulot de vigile à Chartres. Logé dans une cité déglinguée, le couple a dû fuir après avoir été harcelé et menacé par une bande du quartier. Leurs deux enfants, en bas âge, sont placés à Tours. Ces six derniers mois, Philippe et Séverine ont dormi dans la rue, à la Rochelle. Ou plutôt sous le cabanon d'embarquement pour les balades en mer vers l'île d'Aix et le fort Boyard, à deux pas des tours Saint-Nicolas et de la Chaîne, fiertés architecturales de la ville. - On vient de trouver un collègue qui nous prête une tente de l'autre côté du port, dit le jeune homme. Tout ce qu'il leur reste tient dans un sac à dos pesant 50 Kilos, sur lequel sont accrochés une canne à pêche, un sac de croquettes et une peluche représentant un golden retriever, la race canine favorite de Philippe. Leurs deux chiens Freddy, un malinois de 4 ans, et Hoko, un berger picard de 7 ans, ne les quittent pas d'une semelle. -Hoko fait de l'épilepsie, comme sa maîtresse, plaisante Séverine en caressant la bête.

 

chapitre 4

Sursollicités, les passants finissent par se lasser de cette misère voyante et bruyante. Les services sociaux sont débordés et voient leur budgets fondre. L'Etat et les collectivités locales sont écartelés entre le devoir de solidarité, l'exigence de sécurité et les propres contradictions de ces jeunes à la dérive.

 

chapitre 3

Problème : les groupes sont de plus en plus nombreux, de plus en plus jeunes, et composés d'une proportion croissante de filles et d'étrangers, souvent sans papiers. Selon le ministère délégué à la Cohésion sociale, ils seraient entre 30 000 et 50 000 en France. Nous sommes face à problème de société majeur et nous allons devoir les écouter, les accueillir et les réinsérer, explique Catherine Vautrin, ministre chargée du dossier. Certains sociologues et professionnels de l'action sociale avancent des chiffres plus élevés, parlant d'au moins 100 000 jeunes en errance. Une seule certitude : ils font désormais partie intégrante de notre paysage. Et posent des questions lancinantes. D'où viennent-ils? Qui sont-ils? Des enfants de la crise, du chômage de masse ( un quart des moins de 25 ans), de la cherté du logement ( un tiers des jeunes SDF ont un emploi ) ou de l'atomisation des familles en grande précarité? Ou sont-ils des naufragés volontaires?

 

chapitre 2

Une scène devenue banale dans toutes les villes de France. Partout, dans les rues, on croise ces groupes de jeunes SDF, en pantalons de treillis ou en haillons, arborant piercings, tatouages et chiens. Ils font la manche dans les gares, à la porte des tabacs, des supermarchés, des sandwicheries. Ils arpentent les centres-villes, les rues piétonnes et les squares. Parfois agressivement, ils interpellent le passant, quémandent 1 euro, une cigarette, un ticket restaurant, une parole bienveillante. Ils dorment où ils peuvent. Quelques nuits dans un foyer d'hébergement, un ou plusieurs mois dans un squat, souvent dans la rue, sous l'auvent d'un magasin ou d'un distributeur bancaire. Evidemment, ces jeunes errants et leurs chiens font peur. Ils le savent, ils en jouent, le déplorent de temps à autre. Look post-punk décadent, état d'ébriété avancée, incivilités, tapage, dégradations, petits trafics, vols, règlement de comptes, voire agressions : incontestablement, ces jeunes font tache. Les commerçants et les riverains craquent, signent des pétitions, saisissent les services de police nationale et municipale.

 

Jeunes perdus sans collier chapitre 1

Cédric selève en titubant, une canette à la main, et se rue sur Vince : -Tu fais chier! Je ne veux pas te voir au squat ce soir! Les sept chiens se mettent à hurler. Julie enfouit son rat sous son tee-shirt noir et tente de séparer les deux hommes. Cédric, 23 ans, crête décolorée sur le crâne, tiges de métal en piercing dans le nez et à la tempe, manque s'affaler sur le pavé. C'est finalement Jojo, l'aîné du groupe, qui ramène le calme, Vince, le petit dernier de la bande, récupère ses deux roquets, son sac à dos, et file en reniflant. La tension est montée d'un seul coup sur la place du Pilori, dans le coeur historique de la Rochelle. Trop de bière, trop de pétards, probablement quelques cachets avalés pour tromper l'ennui. Pour oublier l'angoisse qui remonte systématiquement en fin de journée. Pantalon et tee-shirt informes, rangers délacés, Jérome, lui, revient brusquement à la réalité. Le restaurant social, situé à 300 mètres, va fermer à 21 heures. - Putain 2,30€... Comment je vais manger, moi? Il avise un couple qui passe. -Bonsoir, messieurs-dames, une petite pièce, s'il vous plaît... Le couple accélère le pas. Merci quand même. Merci quand même reprend Jérôme. Avant de souffler : Sales bourgeois.

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