Monday, May 14, 2007

 

chapitre 29

Quel que soit l'interlocuteur du groupe, policier, juge ou travailleur social, les premières séances de travail des groupes de jeunes commencent par la description de la désorganisation sociale de la vie des cités. Le vocabulaire est toujours le même, celui de la pourriture et de la merde. "On est pourris, on vit dans un contexte pourri, on vit dans des bâtiments pourris" "Ici, c'est la merde." L'arrêt de bus s'appelle l'"arrêt de l'angoisse". La merde n'est plus pourri qu'ici, au contraire. Tout est minable et dégradé. Les gens sont pauvres, il n'y a rien, les commerces sont absents, quant aux loisirs proposés, ils ne correspondent pas à ce qu'un jeune peut souhaiter. A la cité des Saules, à celle de Bois-l'Abbée, aux Mordacs ou aux Minguettes, nous ne sommes pourtant ni dans des taudis ni dans des cités de transit, mais dans ces barres et ces tours banales où les murs sont décorés de graffitis, où les ascenseurs sentent l'urine, où chaque cage d'escalier abrite son groupe de jeunes qui "glandent", où les pelouses n'ont de champêtre que le nom. La pourriture, c'est d'abord la pauvreté et parfois même la misère. C'est aussi un décor; il est difficile de résister au climat déprimant d'une grande cité de H.L.M. en novembre à Champigny ou aux Minguettes durant l'hiver 1984, nous avons pu connaître quelque temps cette atmosphère grise où la seule sortie se borne vite à trainer du supermarché au seul café du centre commercial. "Le retour des vacances, c'est le retour dans la merde", dit-on aux Minguettes.

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