Sunday, June 17, 2007

 

chapitre 81

Certains thèmes clés de la vie de la galère ne peuvent être compris que par le mélange des logiques d'action qui les constituent. Evoquons deux exemples, celui de la "magouille" et celui de la "frime". La magouille, l'ensemble des petites affaires, des "conneries" qui offrent des ressources de survie dans la galère, procède largement d'une rationalité délinquante. Etre magouilleur, c'est recourir à des moyens plus ou moins légaux pour se procurer de l'argent, des vêtements, de l'herbe, éventuellement c'est faire un coup, c'est aussi construire une stratégie élaborée des gestions des ressources du chômage et de l'assistance. Mais en même temps, la magouille est l'aménagement d'un retrait marginal qui repose sur les copains et un réseau fragile de sociabilité, de relations avec l'extérieur et d'autres marginalités plus organisées, notamment les "Puces" pour l'écoulement des marchandises. La magouille, c'est le commerce du pauvre. Mais elle reste magouillle et ne devient pas réellement commerce parce que le groupe est instable et n'est pas un véritable milieu, et parce que la violence sans objet empêche le magouilleur de devenir un homme d'affaires, elle permet d'exploiter les copains, elle est aussi irrationnelle et démonstrative. Au bout du compte, tout se décompose et les ressources de la magouille détruisent la galère autant qu'elles peuvent aider. les jeunes de la galère utilisent beaucoup de ces mots en demi-teinte, de ces mots qui laissent entendre que les actions ne vont jamais au bout de leur logique, qu'il s'agit toujours de conduites tristes, minables, sans réelles aspirations, comme des séries de coups qui se succèdent sans construire de véritable stratégie.
Il en est de même pour la frime, la gratuité, la beauté du geste, le luxe du look, qui permet d'établir une hiérarchie de prestige dans la galère.

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